Voilà, Jurassic World est sorti et il faut donc écrire un billet sur ce film sur lequel j’ai si peu de choses à dire… Mais que n’ont-ils emplumé ces damnés dinos ?
Quand Jurassic Park sortit en 1993, ce fut un événement mondial habilement orchestré par les communicants, mais aussi une révolution dans l’imagerie paléontologique. Bien sûr les images de synthèse nous offraient enfin des dinos réalistes, même si toutes proportions gardées elles nous époustouflèrent tout autant que les dinos filmés en image par image fascinèrent nos grands-parents quand Le Monde Perdu fut projeté en 1925. Plus que le réalisme de la technique, ce sont les types de dinosaures choisis par Spielberg qui bousculèrent les conventions : un tyrannosaure à la colonne vertébrale horizontale déboulant à la vitesse d’une voiture, bien loin des reconstitutions de l’animal à la queue traînant par terre qui figure dans tous les livres d’avant Jurassic Park. Cette nouvelle image de dinosaures dynamiques et intelligents, à la queue se balançant bien au-dessus du sol avait été élaborée dans les années 70 par les paléontologues, mais c’est largement le film qui l’a fait connaître au grand public. C’est sans doute pour ça que la gent paléontologique attendait beaucoup de Jurassic World, que cette suite de Jurassic Park devienne à son tour le vecteur de la diffusion vers un très large public des nouveautés qui se sont accumulées depuis 25 ans, et dont on vous entretient régulièrement sur ce blog. Et notamment de la plus visible de ces nouveautés : les dinosaures à plumes.
Jurassic World n’est heureusement pas un documentaire animalier, et l’est même beaucoup moins que ses devanciers qui aimaient fournir de petites notices scientifiques des divers dinosaures rencontrés par les protagonistes. C’est un film d’action comme Godzilla et autres films de super-héros, dont les héros récurrents sont les raptors et le Tyrex. Vous êtes réalisateur en charge du prochain épisode, allez-vous tout d’un coup changer la couleur du slip de Superman au prétexte que quelques savants vous affirment qu’il était vert fluo ? Idem, le raptor a ses codes couleurs et on ne va pas tout d’un coup l’habiller de plumes pour le faire ressembler à une danseuse de revue ! Il y avait pourtant eu un petit effort dans le numéro 3, avec des raptors munis d’un petit plumeau sur la tête… La saga ayant abandonné toute ambition scientifique n’est donc plus que testostérone, armes de gros calibre, chasseurs maladroits (une constante de la série : malgré des armes extrêmement sophistiquées, ils ne réussissent jamais à dégommer le moindre dino) et effets spéciaux avec une morale d’un niveau philosophique consternant (les parcs d’attraction c’est pas bien car l’individu y perd son libre arbitre, et puis de toute façon l’argent mène le monde et il y a des gens cupides et c’est vraiment pas bien ; heureusement les enfants sont gentils et l’amour et les voitures allemandes sauveront la planète).
Comme annoncé depuis des mois, Jurassic World, qui aurait dû être le premier grand film de dinosaures à plumes, rate ici le coche : des ornithomimosaures et des dromaeosaures (les « raptors ») sans plumes, c’est totalement vintage en 2015. C’est finalement le point essentiel du point de vue paléontologique, le reste étant affaire de détails. Comme le dit l’actrice principale, qui raconte beaucoup de conneries, « la génétique nous a plus appris en 10 ans sur les dinos que deux siècles de fouilles paléontologiques », et comme ça plus besoin de paléontologues comme héros du film, ils sont remplacés par d’anciens bidasses et une dircom, misère… Il semble que le paléontologue américain Jack Horner ait à nouveau sévi comme conseiller scientifique, mais comme il essaie désormais de fabriquer des poussins à dents avec des généticiens, il ne doit plus trop suivre l’actu paléontologique se dit-on. Du coup il y a très peu de nouveautés, on prend les mêmes et on recommence et toutes les tartes à la crème du dinosaure hollywoodien sont là : Tyrannosaurus, « Raptors » surdimensionnés, Triceratops, Stegosaurus, Apatosaurus, Ankylosaurus, Pachycephalosaurus… C’est un casting d’une banalité confondante, agrémenté de vilains petits Dimorphodon (des ptérosaures à dents) et d’un mosasaure survitaminé, un reptile marin du Crétacé. Du Crétacé, comme la grande majorité des animaux de ce parc Jurassique, d’ailleurs, mais ne chipotons pas. La grosse langue du mosasaure aurait pu être bifide comme celles de ses cousins varans et serpents, mais même pas. Ah et puis un dinosaure génétiquement modifié devient le gros vilain du film, remplaçant le spinosaure de Jurassic Park III (celui qui croquait des tyrannosaures). Rien de bien drôle, le réalisateur s’amusant en permanence à refaire Jurassic Park avec des clins d’oeil lourdingues au premier opus qui peuvent réjouir les fans. Les dinosaures en tout cas ont vingt ans de retard sur l’actu paléontologique, peut-être aurait-il fallu s’encombrer d’un paléontologue de la nouvelle génération dont l’Amérique ne manque pas pour être un peu plus dans l’actualité…
Tout ceci est donc paléontologiquement dépassé, et totalement dépourvu d’imagination, dommage ! En attendant si vous avez la nostalgie de Jurassic Park n°1, vous apprécierez sans doute Jurassic World, film hollywoodien banal dont le génie est absent et les dinosaures, vintage. Quand on voit comment les enfants se représentent les dinosaures vingt ans après Jurassic Park (c’est-à-dire comme si Jurassic Park n’avait jamais existé), on se dit qu’il faudra bien quelques décennies supplémentaires pour que le dinosaure à plumes se glisse dans l’imaginaire collectif.
Publié dans : Actualités des musées,Amérique du Nord,Nouveautés
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Et pour ceux qui veulent voir Jean parler du slip de superman en chair et en os (Jean, pas le slip de superman), aller vite regarder cette émission!
http://www.canalplus.fr/c-emissions/c-la-nouvelle-edition/pid6850-la-nouvelle-edition.html?vid=1274718
Merci pour le lien
Vu le film et je confirme l’aspect « vintage » des « créatures ». Même l’apatosaurus est conventionnel (cou trop fin surtout…). Il y avait tant de dinos à faire connaitre ! Quelques bonnes scènes ne font en rien oublier la « magie » du premier opus auquel cet ersatz longuet tente vainement de rendre hommage. Me console avec la commande un peu folle (coute un bras!) de l’apato Sideshow… Can’t wait !!!
En conclusion, les producteurs Hollywoodiens devraient intégré cette règle basique de l’hygiène, qu’il ne faut pas garder trop longtemps le même slip ?!
Personnellement je ne digère pas ce film et ses monstres présentés comme l’a dit l’excellent Brian Switek un Vélociraptor sans plumes n’est pas un Vélociraptor mais simplement un monstre ressemblant à un Vélociraptor.
Le premier opus de la saga Jurassic Park faisait rêvé car dépeignant justement les dinosaures comme les avait révélé la Renaissances des Dinosaures dans les années 1970 et avait contribué à diffusé cette image au grand public. Là ce film perpétuera une image fausse de ces mêmes dinosaures au plus jeunes car ignorant les avancées les plus récentes. Bref un beau gâchis et une occasion perdue sacrifié sur l’autel du sacro-saint Marketing.
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je vote pour que le prochain plumeux découvert soit nommé le Zizijeanmairosaurus…et toc !