Diable, mais qu’est-ce donc que ce syndrome du hérisson ? Imaginez un paléontologue (d’espèce inconnue) qui se pencherait dans quelques millions d’années sur le squelette fossilisé d’un hérisson. Notre habile chercheur, après un rapide coup d’œil à ses petites dents pointues, le classera fort correctement parmi les mammifères insectivores, puis demandera au Mazan et au Michel Fontaine de son temps de dessiner une reconstitution de l’animal : les susdits dessineront donc une petite bestiole poilue (puisque c’est un mammifère), sorte de souris à queue courte mais évidemment dépourvue de piquants (puisque ceux-ci ne se seront pas fossilisés). Autant dire que le résultat final sera très éloigné de l’apparence réelle du hérisson ! En l’absence de parties molles fossilisées, nous sommes évidemment dans la même situation que notre paléontologue du futur quand il s’agit des dinosaures : à quoi ressemblaient-ils quand ils n’avaient pas de plumes ?
Sauf que voici un scoop qui survient juste à temps pour un petit billet de Noël : une équipe australo-italo-canadienne vient de décrire quelques restes momifiés de l’hadrosaure Edmontosaurus regalis. Le spécimen vivait à la fin du Campanien dans l’Alberta (il y a 72 millions d’années environ). Entendons-nous, il ne s’agit pas d’une véritable momie dont tous les organes auraient été préservés par la dessiccation, simplement d’un squelette entouré par un moulage naturel de sa peau, ce qui n’est déjà pas si mal. Un hadrosaure « momifié » ce n’est pas nouveau : on connaît depuis plus d’un siècle de très nombreux exemples d’empreintes de peau de ces dinosaures herbivores qui ont été étudiés en détail récemment (j’y reviendrai un de ces 4…). Sans entrer dans le détail les spécialistes savent depuis longtemps que de nombreux hadrosaures avaient une crête osseuse sur le crâne (comme Parasaurolophus, Lambeosaurus ou Tsintaosaurus) et que d’autres n’en avaient pas, c’est le cas d’Edmontosaurus. Chose curieuse, il semblerait que les hadrosaures sans crête de la fin du Crétacé (comme Edmontosaurus) soient issus d’hadrosaures à crêtes, mais passons…
Ce qui est intéressant dans le cas qui nous occupe, celui de notre Edmontosaurus, dont la peau de l’arrière du crâne est conservée, c’est que nos chercheurs ont découvert un étrange renflement de cette peau. Cette poche de peau haute d’une vingtaine de centimètres est localisée à l’arrière du crâne, au-dessus de l’orbite. Phil Bell et ses collègues interprètent ce repli de peau comme une crête, analogue à celle des coqs (dont nous n’oublierons pas qu’ils sont aussi des dinosaures…). Certains hadrosaures sans crête avaient donc une crête, mais sans os dedans…
Edmontosaurus avait bel et bien une crête sur l’arrière du crâne ; les auteurs de l’article pensent qu’il s’agit là d’un caractère sexuel secondaire analogue à ce que l’on connaît chez les oiseaux, et espèrent en trouver dans d’autres groupes de dinosaures. Michel Fontaine est plutôt d’accord avec eux et en profite pour râler un peu ; Mazan a une idée un peu différente de la fonction de cette crête hadrosaurienne, c’est le cadeau de Noël du DinOblog à ses fidèles lecteurs !
Un grand merci à Pierre et à Michel pour leurs illustrations inédites, et un joyeux Noël à tous !
Référence : Phil R. Bell, Federico Fanti, Philip J. Currie & Victoria M. Arbour (sous presse) A Mummified Duck-Billed Dinosaur with a Soft-Tissue Cock’s Comb, Current Biology, http://dx.doi.org/10.1016/j.cub.2013.11.008
Publié dans : Amérique du Nord,Mazan,Michel Fontaine,Nouveautés,Ornithopode
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Bravo à Michel ! J’adore !!! !
[...] Diable, mais qu’est-ce donc que ce syndrome du hérisson ? Imaginez un paléontologue (d’espèce inconnue) qui se pencherait dans quelques millions d’années sur le squelette fossilisé d’un hérisson. [...]
Quand on pense à toutes ces parties molles non fossilisables (ou peu ?) que l’on rencontre chez les espèces actuelles, ça en dit long sur ce qu’on peut rater en n’ayant que les parties dures d’un fossile : bosses des chameaux, dromadaires, zébus…nageoire adipeuse des salmonidés (truites, saumons…), barbillons des silures, poisson-chat, barbeaux, carpes, tanches, goujons…boutons chez certains batraciens (crapauds, salamandres…), protubérances et appendices divers chez les éléphants (y compris de mer), singes nasiques…Heureusement cette découverte nous laisse espérer la possibilité de compléter petit à petit ce qu’on a pu rater lors des dernières décennies ! Merci pour cet article intéressant.
Bonne année, et merci pour des articles intéressants et drôles à la fois. Amitiés.
OK pour la jolie crête, mais l’article ne dit pas comment ils fabriquaient l’élastique ?
Merci pour cette année d’articles surprenants. On ne se lasse pas de vous lire.
Meilleurs vœux à tous pour 2014.