Le Musée des Dinosaures a ouvert ses portes le 27 juin 1992. Mais avant d’en arriver là et de vous raconter les 20 années qui ont suivi, remontons le temps pour mieux comprendre les raisons qui ont poussé les paléontologues à venir s’installer dans cette région isolée de l’Aude.
Il y a 70 millions d’années, à la fin de l’ère Mésozoïque, la Haute Vallée de l’Aude était une plaine. Les Pyrénées n’existaient pas encore et le paysage était uniformément plat depuis le Massif Central jusqu’au centre de l’Espagne. De grands fleuves drainaient la plaine audoise et se jetaient dans la mer au niveau d’un important delta situé à l’emplacement de l’Ariège (la mer arrivait alors aux environs de Toulouse). Le climat était tropical, de type mousson, avec une saison humide et une saison sèche. Toute cette région, de la Provence au Pays Basque espagnol, grouillait d’une vie intense. Différentes espèces de dinosaures y vivaient, herbivores et carnivores, ainsi qu’une foule variée d’autres animaux, de la grenouille au crocodile.
Les plaines et les fleuves où vivait cette faune abondante se sont fossilisés sous la forme de roches qui affleurent aujourd’hui dans la Haute Vallée de l’Aude : les grès et les conglomérats sont d’anciens lits de rivières ; les marnes rouges, qui donnent une couleur si particulière à la région, correspondent aux limons de la plaine alluviale, les calcaires, qui forment les plateaux de la Haute Vallée, sont d’anciens lacs qui recouvrirent la région après la disparition des dinosaures.
C’est dans ces roches, déformées et redressées lors de la formation des Pyrénées, que l’on retrouve aujourd’hui les restes des dinosaures qui vécurent dans cet environnement il y a 70 millions d’années environ (durant le Maastrichtien). Les squelettes de dinosaures morts durant la saison sèche, au bord des fleuves, furent emportés par les crues durant la mousson. Les ossements disloqués se déposèrent en aval, dans les méandres, contre des bancs de sable.
Depuis quelques milliers d’années seulement, l’Aude actuelle a creusé peu à peu sa vallée, entamant ainsi les couches géologiques anciennes qui contiennent les dinosaures. C’est grâce à cette longue histoire que l’on retrouve aujourd’hui des restes de dinosaures dans la Haute Vallée de l’Aude et plus particulière dans ce méandre devenu le gisement de Bellevue.
Les premières découvertes d’os de dinosaures dans la Haute Vallée de l’Aude datent de la fin du XIXème siècle. Un géologue de l’université de Toulouse, Alexandre Leymerie, envoya quelques vertèbres fossilisées trouvées à Espéraza à Paul Gervais, Professeur au Muséum National d’Histoire Naturelle, qui signala cette découverte en 1877 à l’Académie des Sciences de Paris.
A la fin du XIXème siècle et au début du XXème, un certain nombre d’érudits locaux découvrirent aussi des os de dinosaures dans la Haute Vallée de l’Aude, sans toujours reconnaître la nature de leur trouvailles. Ainsi en 1891, Isidore Gabelle, architecte à Couiza, inventoriait dans sa riche collection d’histoire naturelle des « vertèbres de reptiles et plusieurs fragments d’os de grands mammifères sortis du terrain garumnien » (c’est-à-dire les couches à dinosaures de la Haute Vallée). Le plus gros mammifère européen de la fin du Crétacé ne dépassait pas la taille d’une souris, et ces ossements (qui ont malheureusement disparu aujourd’hui) appartenaient certainement à des dinosaures.
Un autre naturaliste audois, Antoine Fages, découvrit aussi des restes de dinosaures dans la Haute Vallée de l’Aude il présenta ces « ossements pétrifiés… qui paraissent appartenir à un pachyderme » à la Société d’Etudes Scientifiques de l’Aude en 1903. Quelques années plus tard cependant, Fages rectifia son erreur, en se rendant compte qu’il avait découvert des « ossements de dinosauriens ».
Malgré ces découvertes répétées, les gisements de la Haute Vallée de l’Aude tombèrent dans l’oubli le plus complet pendant plusieurs décennies, sans doute du fait du manque d’intérêt des paléontologues français pour les dinosaures durant cette période.
En 1982, un chasseur de Campagne-sur-Aude découvrit à son tour un gros os fossilisé non loin du village. Une petite équipe de personnes intéressées se forma alors et récolta des ossements fragmentaires et des œufs de dinosaures autour d’Espéraza. Malgré quelques articles de presse, la découverte, comme souvent, retomba dans l’oubli jusqu’à ce que les paléontologues Eric Buffetaut et Jean Le Loeuff, à la recherche d’un site à fouiller dans le sud de la France, ne s’arrêtent à Espéraza en décembre 1988. Intéressés par les gisements que leur fit découvrir l’instituteur du village Pierre Clottes, ils entreprirent les premières fouilles paléontologiques en 1989, un siècle après les premières découvertes. L’équipe du CNRS de l’université de Paris démarra ces travaux, en collaboration avec des chercheurs audois qui « redécouvrirent » les sites au début des années 80, et avec le soutien financier et logistique du Conseil Général de l’Aude. En une dizaine de jours, plusieurs dizaines d’ossements d’un dinosaure sauropode furent exhumés : la grande richesse du site méritait des fouilles approfondies.
Depuis, des fouilles ont été organisées chaque année, durant les mois de juillet et août sur le gisement de Campagne-sur-Aude, où se succèdent bénévoles et professionnels. De nouveaux gisements ont été découverts dans la région, dans les Corbières, dans l’Hérault, etc. Ce travail a permis la découverte de milliers d’ossements fossiles. La question de leur conservation fut rapidement posée et avec celle de la création d’un musée.
Durant deux ans, avant l’ouverture du musée, l’ensemble des ossements découverts dans la région furent entreposés puis préparés dans le préau de l’école primaire d’Espéraza transformé en laboratoire. C’est aussi dans ce préau que l’artiste Claude Moréno, un habitant d’Espéraza, réalisa les premières reconstitutions du grand sauropode de la famille des titanosaures découvert sur le gisement de Bellevue mais qui a cette époque n’avait pas encore été baptisé Ampelosaurus atacis. Ces réalisations ont grandement contribué au succès du musée et figurent encore aujourd’hui en bonne place dans la nouvelle exposition.
Le maire nouvellement élu d’Espéraza, le Général Michel Lafitte, souhaitait donc créer un musée sur sa commune à l’économie déclinante. La région et le département le suivirent et le projet fut mené tambour battant sous la direction de Jean Le Loeuff. Le 27 juin 1992, le premier Musée des Dinosaures français ouvrait ses portes. Ce sera un succès populaire, attirant jusqu’à 60 000 visiteurs par an dans ce petit coin de l’Aude à l’écart des centres touristiques.
Dans les années qui suivirent, l’exposition n’a cessé de s’enrichir des nouvelles découvertes réalisées partout dans la région et des créations de Claude Moréno, jusqu’à ce qu’un problème ne vienne perturber l’avenir du musée : le manque de place.
Publié dans : Musée des Dinosaures d'Espéraza
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