Le diplodocus, nul ne l’ignore, avait un long cou. Un long cou, mais pour quoi faire ? La belle affaire ! Pour brouter la cime des arbres, pardi, tel la première girafe venue… Que nenni !
Cessez de l’imaginer tendant le cou vers les délectables feuillages des plus hautes futaies à s’en décrocher les vertèbres. Selon certains chercheurs, en effet, c’est vers le bas que Diplodocus s’alimentait. C’est la strate herbacée, voire arbustive qu’il consommait, et comme il n’y avait pas d’herbes (au sens graminées) au Jurassique supérieur quand vivait notre ami, il devait engloutir des prèles par quintaux pour assouvir son appétit que l’on suppose robuste.
La source de cette hypothèse audacieuse, régulièrement évoquée depuis un bon moment d’ailleurs, ce sont les étranges vertèbres cervicales des diplodocidés dont les épines neurales sont bifides.
L’auteur, fasciné par ces audacieuses bifurcations spinales, pas si fréquentes dans le monde animal, n’a pas hésité à disséquer des watusis d’Afrique orientale (des bovins domestiques) qui présentent cette caractéristique et ont comme autre particularité de porter des cornes de 90 kilos pouvant atteindre deux mètres cinquante de long. Il en a déduit un lien entre la double épine et un poids important à supporter en avant des épaules : les cornes chez le watusi, un long cou horizontal chez les diplodocidés.
Passant à la biomécanique, il fait aussi remarquer la relative inexactitude de l’analogie vieille d’un siècle entre le squelette d’un sauropode et un pont suspendu, notamment parce que ce dernier est fixe. Comme on adore déboulonner les idées reçues, et que l’on pratique celle-là depuis une éternité, ce que notre industrie a produit qui se rapproche le plus d’un squelette de Diplodocus, c’est… un arrosage agricole ! Je devine votre déception, vous espériez que je vous parle du mythique Engin Poseur de Traverses pour Voies Ferrées (EPTVF) du 5e régiment de génie ferroviaire de Versailles, 317 tonnes, 87 mètres de long, mieux connu des amis du train sous son sobriquet de diplodocus… Et bien non, un vulgaire arroseur de maïs fera l’affaire mais promis, un jour je vous causerai de l’EPTVF. Quant à l’analogie entre un arrosage agricole et un diplodocus, le schéma ci-dessous devrait vous éclairer : les deux machins qui s’élancent en V vers le haut correspondent aux deux épines neurales et les cables qui en partent aux ligaments nucaux.
Cary Woodruff, l’auteur de cette étude, propose donc que, telles de vulgaires arroseurs de champs d’OGM, ces deux hémi-épines neurales aient porté chacune un ligament supraspinal (situé en haut de l’épine, quoi). Comme l’illustre la figure 4, pendant que l’animal pâturait, l’un des ligaments était en tension, l’autre au repos, permettant un facile rebond élastique de droite à gauche, sans gaspillage d’énergie. Il suppose donc que les dinosaures pourvus de ces épines neurales bifides devaient favoriser les déplacements latéraux du cou, plutôt que de s’échiner à des mouvements verticaux plus coûteux en énergie.
Les dinosaures dépourvus de ce judicieux système (comme Brachiosaurus) et donc pourvu d’un seul ligament nucal, auraient été plus à l’aise dans des mouvements verticaux du cou, ratissant une tranche de végétation bien plus haute mais aussi plus vaste. Hélas les dernières cervicales et premières dorsales dudit Brachiosaurus sont incomplètes pour tester cette hypothèse.
Plus généralement, la cohabitation à la fin du Jurassique de nombreuses espèces de sauropodes laisse supposer que leurs habitudes alimentaires devaient être différentes. Sinon, la déforestation était assurée. L’hypothèse d’un diplodocus broutant essentiellement les plantes basses, si elle ne convainc pas tout le monde, ne manque en tout cas pas d’élégance. Si des doutes subsistent c’est notamment parce que les simulations informatiques basées sur des scans osseux simplifient forcément la réalité. Ne sont pas pris en compte par exemple les joints cartilagineux entre les vertèbres (dont on ne connaît pas l’exacte nature), et donc la mobilité intervertébrale. Les diplodocidés pouvaient donc certainement relever la tête et peut-être maintenir leur cou à la verticale quand la situation l’exigeait, mais s’ils possédaient bien un double ligament nucal les mouvements latéraux devaient être préférés aux verticaux.
Pour en finir le diplodocus, nul ne l’ignore non plus, avait une (très) longue queue. Une longue queue, mais pour quoi faire ? Pour la faire claquer comme un fouet, pardi, tel le premier dompteur venu ! Oh my god ! Ce n’est pas si sûr, mais ça aussi je vous le raconterai une autre fois.
Référence :
D. Cary Woodruff (2016): Nuchal ligament reconstructions in diplodocid sauropods support horizontal neck feeding postures, Historical Biology, DOI: 10.1080/08912963.2016.1158257
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Publié dans : Amérique du Nord,Sauropodes
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Donc si j’ai bien compris, le diplodocus avait un très long cou parce qu’il avait de trop grandes jambes.
Et s’il avait une si longue queue c’était probablement pour ratisser le sol derrière lui afin de le maintenir en équilibre vertical sans basculer tout le tronc à droite et à gauche sur ses longues jambes quand il broutait en balançant la tête à gauche et à droite.
Imaginez le même animal broutant de cette façon mais n’ayant aucune longue queue (ou doté d’une simple courte queue de girafe)… à mon avis il aurait passé son temps à épuiser toute son énergie dans les quatre membres pour le maintenir vertical. Il était alors certainement plus adapté d’avoir une très longue queue pour minimiser la perte d’énergie.
Notez que je n’affirme évidement rien… je suggère.
Et pour des raisons gravitaires un diplodocus sans queue aurait légèrement tendance à basculer vers l’avant…
Ha ha ! Comme une grue flèche sans contrepoids !
Si le diplodocus broutait bas, comment faisait-il pour remonter toute cette nourriture dans son estomac?
L’oesophage est entouré de muscles contractiles dans la plupart des espèces tétrapodes terrestres actuelles. Mais il y a aussi chez les oiseaux, pour ce qui est de la boisson, des mouvements verticaux de la tête pour que la tête se retrouve plus haut que l’estomac, permettant au liquide de descendre naturellement vers l’estomac. Mais le plus important est la présence des muscles contractiles qui entourent l’oesophage dans la plupart des espèces tétrapodes terrestres. C’est tout simplement le « péristaltisme oesophagien ».
Je ne saurais mieux dire !
Les espèces actuelles fonctionnent à une toute autre échelle. L’énergie nécessaire pour faire fonctionner les dits muscles est incomparable. La gravité c’est plus économe. Je reste dubitative.
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