La réputation de brute sanguinaire du tyrannosaure s’en relèvera-t-elle ? Sans doute, mais une analyse parue au mois d’août dans la revue Ethology, Ecology & Evolution suggère que les tyrannosaures ne se contentaient pas de chasser, de bâfrer et de digérer. Ils jouaient. De préférence avec un os sphérique, un condyle occipital de cératopsien. Bref ils jouaient à la balle. Foutaises ? Pas si sûr.
L’auteur, Bruce M. Rothschild, de l’université du Kansas à Lawrence, est selon l’expression consacrée bien connu de nos services. C’est un spécialiste de la paléopathologie dinosaurienne, un médecin légiste de la paléontologie dont la devise est celle de Sherlock Holmes : une fois que l’on a éliminé l’impossible ce qui reste, aussi invraisemblable soit-il, doit être la solution. Fractures ressoudées, tumeurs, arthrite et autres maladies des os n’ont pas de secret pour lui. Dans l’étude sur laquelle nous nous penchons aujourd’hui, il s’est intéressé aux traces de dents observables sur les os de dinosaures nord-américains de la fin du Crétacé. La plupart de ces traces sont en relation avec le dépeçage de l’animal et sa consommation par un tyrannosaure. Mais selon Rothschild cette explication ne marche pas pour un certain nombre d’os mordillés.
On sait que les tyrannosaures avaient l’habitude de broyer les os de leurs proies en petits morceaux qu’ils avalaient, et que l’on retrouve dans leurs excréments fossilisés. Alors pourquoi des traces sur des os isolés, qui plus est des bas-morceaux comme les pieds où il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent ? J’entends d’ici les hurlements de certains : les pieds des bas-morceaux, kessky faut pas ouïr, et mon pied de porc à la Sainte-Menehould nom d’une cassolette vernissée ! Oui bon, faut garder la perspective les enfants, au Kansas ce qui se mange c’est plutôt la côte de bœuf, et d’ailleurs les côtes de dinosaures font partie des morceaux susceptibles d’être grignotés selon notre expert.
L’auteur établit une très subtile différence entre des sites où l’on trouve des os avec d’évidentes marques d’alimentation (fractures en spirale, profondes traces de dents dans les os, présence de dents cassées de tyrannosaures, etc.) et d’autres gisements où l’on trouve occasionnellement des os rayés par des dents de tyrannosaure. Dans ce dernier cas on trouve essentiellement des os qui ne sont pas alimentairement intéressants, autrement dit pas ou peu de côte (soupir) mais des métatarsiens ou des phalanges… Donc des os qui ne méritaient pas d’être mangés, et qui pourtant portent les marques des dents de tyrannosaures ; mais pourquoi ? Et bien d’après Rothschild parce que les tyrannosaures jouaient avec, la belle affaire… Sérieux ? Oui, quoique légèrement tiré par les cheveux ! Pour apporter de l’eau à son moulin, notre auteur nous rappelle opportunément que la manipulation d’objets est fréquente chez de nombreux reptiles actuels, varans et crocodiles, et n’a donc rien de surprenante chez les dinosaures.
Pour finir notre auteur aborde la question de la baballe, et il faut avouer qu’on a de plus en plus de mal à le croire, mais bon si les faits sont là ! Quelle est cette absurde histoire du Tyrex jouant à la baballe ? Les paléontologues nord-américains découvrent régulièrement, paraît-il, des condyles occipitaux de cératopsiens constellés de marques de dents de Tyrannosaurus. Or le condyle occipital, cette sphère osseuse qui permet l’articulation du cou et de la tête, n’a pas d’intérêt gustatif particulier, et les traces de dents à sa surface seraient donc celles de tyrannosaures jouant à la balle. Et ils devaient beaucoup aimer ce petit jeu car ce n’est pas une mince affaire que de dénicher un condyle occipital de cératopsien puisqu’il faut au préalable séparer le crâne du reste du corps… La lançaient-ils au loin, cette balle, pour courir à sa recherche et la rapporter joyeusement la truffe fière et la queue levée ? On ne le sait mais on a de la peine pour eux.
Référence :
Bruce M. Rothschild (2014): Unexpected behavior in the Cretaceous: tooth-marked bones attributable to tyrannosaur play, Ethology Ecology & Evolution, DOI: 10.1080/03949370.2014.928655
Publié dans : Nouveautés,Théropode,Tyrannosaurus
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Trop rigolo… !
Il me semble avoir d’ailleurs vu cette scène dans le triple film « Une nuit au musée » (le second film, je crois), où Rexy, le T. Rex du Museum, avait vraiment pour jouer avec la baballe le comportement d’un gros toutou avec ses dérapages dans le décor (du moins ce qu’il restait du décor)…
[...] La réputation de brute sanguinaire du tyrannosaure s’en relèvera-t-elle ? [...]
Cela me semble, effectivement, quelque peu capillitracté – après avoir fait l’objet d’une sévère capilliquadripartition…
Hé ben… pour une fois Hollywood avait bon! Dans Une nuit au musée.