Le Dinoblog

Bob Morane est le héros d’une série de 234 romans d’aventures de l’écrivain belge Henri Vernes (né en 1918) ; le premier épisode est paru le 16 décembre 1953, c’est donc aujourd’hui le soixantième anniversaire de cette étonnante série. Mais que vient faire Bob Morane, curieux mélange de justicier, d’aventurier et de barbouze, sur le DinOblog ?

L’inoxydable Bob, en soixante ans de carrière, a eu l’occasion à maintes reprises de se mesurer à des dinosaures en chair ou en os. Rien d’étonnant à cela, le Commandant Morane et ses amis ont exploré toutes les failles de l’espace-temps et retrouvé la plupart des mondes perdus de notre petite planète, autant dire que Tyrannosaurus est devenu à l’univers de Bob ce que votre caniche est à votre salon : un élément du paysage sur lequel on trébucherait presque tellement il se confond avec le tapis.

Je subodore que certains de nos lecteurs sont un peu jeunes pour connaître Bob, et qu’ils n’ont jamais entendu la chanson qu’un groupe de rock français lui consacra au début des années 80, avec ce refrain intrigant écrit en un français légèrement approximatif : « Bob Morane contre tout chacal, l’aventurier contre tout guerrier »… Je me suis d’ailleurs longtemps demandé qui était ce doux chacal, mais passons… Pour ceux qui l’ignorent, donc, Bob Morane est un super-héros français, plutôt plus efficace que l’OSS 117 du cinéma. Il passe sa vie à sauver le monde contre les innombrables méchants qui ont juré sa perte, en compagnie de son camarade Bill Ballantine, géant écossais buveur de whisky. La première rencontre de Bob avec un tyrannosaure se passe en 1957 (dans Les chasseurs de dinosaures) quand il embarque dans une machine à remonter le temps à la recherche d’un amateur de safari un peu gourmand qui a décidé d’ajouter quelques dinosaures à son tableau de chasse. Bob se retrouve alors dans un Crétacé peuplé d’une ribambelle anachronique de dinosaures jurassiques et crétacés (stégosaures, tyrannosaures, etc.).

Henri Vernes s’est amusé à faire revenir un tyrannosaure dans plusieurs aventures de Bob Morane : en 1965 il rate de peu Bob et Bill (dans Le Secret de l’Antarctique) et leur compagne d’aventure, l’archéologue Elaine Marian ; en 1963, ressuscité par une étrange vapeur verte, il poursuit Bob et une autre charmante archéologue, russe celle-là, au fin fond de la Sibérie (La vapeur du passé ; on peut supposer qu’il s’agit ici plutôt d’un tarbosaure, mais il faisait nuit, ce qui est contrariant pour reconnaître un animal) ; en 1974 c’est encore un tyrannosaure qui charge les deux héros dans les ruines de Paris en 2182 (les Fourmis de l’Ombre jaune). Enfin en 1979 dans Le soleil de l’Ombre Jaune le vilain M. Ming, de passage dans le Crétacé,  expédie un tyrannosaure dans un futur indéterminé…

Description du monstre : De derrière le boqueteau, un être d’épouvante venait d’apparaître. Sa silhouette faisait songer à celle du kangourou, mais un kangourou qui aurait mesuré dix mètres de la pointe du museau au bout de la queue. Là s’arrêtait d’ailleurs toute possibilité de comparaison avec le paisible marsupial. Le corps de l’animal était recouvert d’écailles verdâtres  comme celui d’un reptile, et il élevait à cinq mètres au-dessus du sol une tête taillée en carène et fendue d’une gueule énorme, barbelée d’une double rangée de dents longues comme des baïonnettes. Par rapport avec les puissantes pattes postérieures, celles de devant, comme atrophiées, paraissaient ridiculement petites ; pourtant, elles étaient armées de griffes capables de déchirer un homme. Le monstre progressait à la fois en marchant et en bondissant, s’appuyant sur le trépied formé par ses membres postérieurs et sa queue musculeuse. Le point commun de tous ces tyrannosaures, fort bien décrits, c’est qu’ils se déplacent comme des kangourous en s’aidant de leur queue, avec  une colonne vertébrale quasi-verticale, bref l’image du Tyrannosaure pendant les trois-quarts du vingtième siècle (une image aujourd’hui désuète comme on l’a expliqué ici).

On s’en serait douté, l’observation naturaliste et la peinture sur soie ne sont pas les violons d’Ingres de Bob et quand il croise, au fil de ses voyages temporels, un dinosaure égaré, le carnage n’est jamais loin. J’ai compté pour vous : dans Les chasseurs de dinosaures il descend une demi-douzaine de tyrannosaures, ce qui nous vaut cette poétique remarque du délicat Bill Ballantine : un bazooka vous change un tyrannosaure en descente de lit aussi facilement que s’il s’agissait d’un vulgaire lapin sauvage.

Les différents genres du « dinoroman » sont abordés tour à tour : Monde perdu (en Antarctique), voyage dans le temps (en Amérique du Nord), ou vent galactique ressuscitant des dinosaures (en Sibérie ; je m’attends à des critiques sur ce points précis, aussi j’admets d’emblée que l’appellation peut être discutée…) ; il ne manque à la panoplie dinoromanesque qu’un roman de terre creuse… Henri Vernes poursuit l’écriture des Bob Morane avec des collaborateurs : attendons la prochaine apparition d’un tyrannosaure pour découvrir s’il se conforme à l’image que nous en avons au XXIe siècle…

Référence :

Henri Vernes, 1957. Bob Morane, Les chasseurs de dinosaures. Gérard et Cie.

Henri Vernes, 1965, Bob Morane, Le secret de l’Antarctique, Gérard et Cie.

Henri Vernes, 1974. Bob Morane, Les fourmis de l’Ombre Jaune. Marabout.

Henri Vernes, 1963, Bob Morane, La vapeur du passé, Gérard et Cie.

Henri Vernes, 1979, Bob Morane, le Soeleil de l’Ombre Jaune, Librairie des Champs Elysées.

Pour tout savoir sur Bob Morane :

Gilles Dubus, La grande encyclopédie Bob Morane

Et pour en savoir un peu sur les « dinoromans » :

Jean Le Loeuff, 2012, Tyrannosaurus et les mondes perdus, Editions du Sauropode, 220 p.