En ce 21 décembre 2012 et par pur esprit de contradiction, nous nous intéresserons aux débuts du monde, et plus exactement aux origines de la vie sur les continents. On sait que la vie a longtemps été cantonnée aux océans, avant de conquérir les environnements continentaux au cours du Paléozoïque. La chronologie généralement admise est la suivante : au Silurien (445-419 ma), voire dès l’Ordovicien (485-445 ma), apparaissent les mousses et les lichens ; à la fin du Silurien de nombreux petits arthropodes terrestres sont présents. Les premiers vertébrés continentaux se développent vers la fin du Dévonien (359 ma) ou le début du Carbonifère. Un dossier très complet du CNRS sur ce sujet est consultable ici.
Or le géologue américain Gregory Retallack vient de jeter un gros pavé dans cette mare consensuelle en réinterprétant radicalement les paléoenvironnements d’Ediacara. Kézako Ediacara ? C’est le lieu où furent découverts, dans le sud de l’ Australie, les plus anciens assemblages des premiers animaux (les premières formes de vie pluricellulaires). La faune édicarienne date de la fin du Précambrien (vers 600 millions d’années) et a été diversement interprétée. Certains paléontologues y ont vu des formes de vie radicalement différentes de ce que l’on connaît aujourd’hui, d’autres au contraire considèrent que l’on y trouve les ancêtres de certains animaux plus récents, tels les vers, les arthropodes ou les méduses. En tout cas tous ont considéré qu’il s’agissait d’animaux marins.
Mais Retallack démontre que les roches où ont été découvertes ces formes de vie très anciennes ne se sont pas du tout déposées au fond de la mer ; pour lui ce sont des paléosols, des sols fossilisés : autrement dit des roches qui se forment sur les continents, pas dans la mer. Conclusion : la plupart des formes de vie d’Ediacara vivaient sur la terre ferme, et n’étaient ni des proto-méduses, ni des pré-trilobites mais plutôt des lichens ! Dickinsonia, ce curieux fossile discoïde emblématique d’Ediacara aurait donc été un lichen se développant sur le sol dans un climat froid…
La vie aurait donc colonisé les continents 150 millions d’années plus tôt que prévu : une conclusion fascinante qui conduit à reconsidérer entièrement les origines des écosystèmes continentaux. Et puisque, qui dit lichen dit champignon (un lichen est une association entre un champignon et une cyanobactérie ou une algue verte), savez-vous que les cèpes de Bugarach, à quelques kilomètres d’Espéraza, sont très prisés ?
Références :
Gregory J. Retallack, 2012. Ediacaran life on land. Nature, doi:10.1038/nature11777
Gregory J. Retallack, 1994. Were the Ediacaran fossils lichens? Paleobiology, 20, 523-544.
Publié dans : Evolution
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Quelques auteurs (Stephen Jay Gould notamment, je crois) avaient souligné la ressemblance des fossiles d’Ediacara avec d’une part, des structures en édredons piqués et d’autre part, des champignons terrestres. Ces bestioles me fascinent depuis 1995 et j’ai imaginé brièvement, dans le roman La Gloire de Rama, une uchronie où la faune d’Ediacara se serait poursuivie sans extinction.
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