160 pages d’histoire de la paléontologie en français, ça ne vous tombe pas tous les jours entre les mains ! On ne peut que féliciter l’éditeur de Louviers, Ysec, de cette initiative. Quant à l’auteur il y a longtemps déjà qu’on ne le présente plus. Mais pour ceux qui ignoreraient ce détail de sa biographie, soulignons qu’il est Normand et qu’au milieu d’une très abondante production scientifique, il a décrit de nombreux restes de dinosaures de Normandie au cours des dernières décennies. Car le dinosaure peut être normand, c’est même l’une des régions de France où depuis plus deux siècles on exhume régulièrement des ossements de ces grosses bêtes. Georges Cuvier lui-même a décrit des vertèbres de dinosaure carnivore d’Honfleur à l’aube du XIXe siècle, pensant avoir affaire à un gigantesque crocodile. Le grand spécialiste américain des dinosaures Othniel Charles Marsh se déplacera en personne en 1897 pour examiner les ossements conservés à Caen et au Havre : il y reconnaît quelques ossements de sauropodes. Un peu plus tard, en 1911, c’est cette fois le célèbre paléontologue austro-hongrois Nopcsa Ferenc qui décrit le squelette d’un stégosaure découvert par le géologue Emile Savalle à Octeville. Les découvertes s’accumulent pendant 150 ans sous la houlette de quelques savants normands comme Jacques-Amand et Eugène Eudes-Deslongchamps ou Alexandre Bigot. Manque de bol, en 1944, les bombardements alliés vont raser l’Université de Caen et le Muséum du Havre : en miettes le stégosaure d’Octeville, le mégalosaure de Sainte-Adresse ou le mystérieux iguanodon de Bléville…
Tout est à recommencer, et ça recommence : un stégosaure est découvert par un agriculteur à Argences au début des années cinquante. Robert Hoffstetter le nommera Lexovisaurus en 1957 (les Lexovii étaient les Gaulois de Lisieux). Quarante ans plus tard, en 1994, c’est encore dans le Calvados, à Conteville, que l’on trouve un squelette de dinosaure carnivore cette fois, baptisé Dubreuillosaurus (du nom du découvreur) par Ronan Allain en 2005. Parmi les découvertes récentes quelques éléments d’un squelette de sauropode crétacé exhumés par Pierre Gencey dont Eric Buffetaut rappelle qu’ils n’ont pas encore fait l’objet d’une description détaillée : l’auteur de ces lignes et de cette négligence en prend note…
Au fil des pages de cette chronique de la paléontologie normande passent aussi Gustave Flaubert, les inévitables Bouvard et Pécuchet, le peintre havrais Arcade Noury ou encore l’abbé Jacques-François Dicquemare. En pointillés se dessine aussi une histoire intellectuelle de la paléontologie normande : aux quelques savants du XIXe qui étudiaient eux-mêmes leurs découvertes et les confiaient à des collections publiques (lesquelles connurent il est vrai une triste fin) ont succédé après la seconde guerre mondiale d’innombrables collectionneurs, dont certains ont l’intelligence de céder quelques pièces importantes aux musées régionaux, ce qui permet leur étude scientifique. On devine que beaucoup de restes de dinosaures demeurent cachés dans des collections privées dont le destin, rappelle Eric Buffetaut, « est trop souvent la disparition ou la dispersion à la mort de ceux qui les ont constituées et ont apparemment supposé qu’ils étaient éternels, ce qui, on en conviendra, est assez rare. » Mais ceci n’est pas une spécificité normande…
Pour acheter ce livre indispensable à votre bibliothèque il suffit de se rendre sur le site des éditions Ysec.
Eric Buffetaut, Chercheurs de dinosaures en Normandie, Ysec, 2011, 160 p., 18 €.
Publié dans : Analyse de livre,Histoire de la paléontologie
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Bonjour, Le fils de Jacques-Amand Eudes-Deslongchamps se prénommait Eugène et non Etienne, et Alexandre Bigot était le beau-fils de ce dernier. La paléontologie, c’était une histoire de famille ! Bonne journée.
Merci de cette remarque, j’ai rendu son vrai prénom à Eudes-Deslongchamps Junior.