Nicole Klein est une paléontologue allemande qui terrorise les conservateurs de musées à travers le monde. Nicole est pourtant fort sympathique mais sa spécialité, l’histologie des os de dinosaures sauropodes (l’analyse de leurs tissus osseux), la conduit à prélever de jolies petites carottes au cœur des fémurs ou des humérus de ces petites bêtes. Après son passage, nombre de spécimens présentent donc sa signature caractéristique : un joli p’tit trou rond de 12 millimètres de diamètre. De quoi déprimer ces pauvres gens qui passent leur existence à conserver dans le meilleur état possible des ossements précieux découverts par des générations de paléontologues.
Au cours de ses pérégrinations Nicole est venue poinçonner les os d’Ampelosaurus au Musée des Dinosaures d’Espéraza et elle publie cette semaine dans la revue PLoS ONE le résultat surprenant de ses analyses : Ampelosaurus possède un tissu osseux inconnu chez les animaux actuels, et très différent de ce que l’on observe chez les autres sauropodes. Poétesse à ses heures, Nicole a baptisé MLB (Modified Laminar Bone) ce nouveau type d’os qu’elle a retrouvé chez deux proches cousins d’Ampelosaurus : Lirainosaurus et Magyarosaurus, deux autres titanosaures européens, mais aussi, à un degré moindre, chez Phuwiangosaurus, un sauropode thaïlandais. Chose plus étonnante, un bovidé nain des Baléares, Myotragus balearicus (une sorte de chèvre atteignant 50 cm au garrot), présenterait le même tissu osseux…
Point commun aux trois titanosaures et à M. balearicus : ils vivaient sur des îles et trois d’entre eux étaient des nains insulaires (voir le billet du 21 mai de Lionel Hautier sur le sujet ). Ce type de tissu indiquerait une croissance très lente par rapport à celle des autres sauropodes ; en clair Ampelosaurus grandissait beaucoup moins rapidement que la plupart des sauropodes, mais pouvait néanmoins atteindre de grandes tailles, alors que Magyarosaurus, Lirainosaurus et Myotragus balearicus restaient des nains à l’âge adulte. En combien de temps Ampelosaurus grandissait-il ? C’est hélas impossible à dire pour le moment, à cause du remaniement intensif des os qui masque les lignes d’arrêt de croissance que l’on observe chez d’autres dinosaures. C’est peut-être pour la même raison qu’on ne peut identifier le type d’os particulier qui indique que la maturité sexuelle a été atteinte. Notons aussi que les plus gros os d’Ampelosaurus n’ont pas encore été analysés (on me murmure que le conservateur du musée des dinosaures aurait eu quelques réticences à laisser transpercer certains spécimens).
Le dinosaure le plus célèbre de l’Aude, Ampelosaurus atacis (rappelons que cela signifie le dinosaure du vignoble de l’Aude), était déjà l’égérie d’une cuvée de Blanquette de Limoux (chez René Salasar à Campagne-sur-Aude) et d’une cuvée de Chardonnay élaboré par la cave Anne de Joyeuse à Limoux : cette fois il se distingue par un tissu osseux inédit ! Cerise sur le gâteau, c’était incontestablement le plus grand de tous les nains. Au musée des dinosaures, dont il est la mascotte, on arrose ça avec les substances évoquées plus haut.
Klein N, Sander PM, Stein K, Le Loeuff J, Carballido JL & Buffetaut, E. 2012. Modified Laminar Bone in Ampelosaurus atacis and Other Titanosaurs (Sauropoda): Implications for Life History and Physiology. PLoS ONE 7(5): e36907. doi:10.1371/journal.pone.0036907
Publié dans : Ampelosaurus,Musée des Dinosaures d'Espéraza
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Bigrement intéressant tout cela. Savez vous si Nicole a prévu de tester ces résultats sur d’autres sauropodes européens du Crétacé sup (je pense à tous les gisements du sud de la France mais aussi à ceux d’Espagne)? On me murmure que certain conservateur aurait du matériel à « revendre »…
Ca ne semble pas au programme : reste à embaucher une petite poinçonneuse française pour s’y coller (car il y a du boulot). J’ai bien une idée…
Dans le cas d’une éventuelle reconstitution, il existe une fonction » trou » sur mon soft !